Quels sont les moyens d’action des maires face aux infractions d’urbanisme?

Les violations des règles applicables aux utilisations du sol peuvent être sanctionnées notamment par le juge pénal. Précisément le maire, en sa qualité d’officier de police judiciaire, peut intervenir en cas d’infractions prévues par le  code de l’urbanisme et visées à l’article L 480-1. Il peut ainsi se saisir de lui-même ou à l’initiative d’un tiers. Dans le cadre de ces missions, le maire agit en qualité d’agent de l’État, au nom et pour le compte de l’État.

Il a même ce qu’on appelle une compétence liée dès lors qu’il a connaissance d’une infraction (en ce sens CAA Lyon 19-11-1991 n°89LY014333). Cela signifie qu’il est tenu d’en dresser procès-verbal ou d’en faire dresser procès- verbal par « les officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire » (art L 480-1 précité).

L’inertie du maire peut engager la responsabilité pour faute de l’Etat. Dans une telle hypothèse, pour contraindre le maire à dresser procès-verbal, il est possible de saisir le juge des référés du tribunal administratif.

Les actes repréhensibles sont visés à l’article L 480-4 du code de l’urbanisme qui sanctionne pénalement l’exécution de travaux sans permis, ou en méconnaissance du permis. En cas de violation des dispositions du règlement du PLU, les mêmes poursuites peuvent être engagées.

Lorsque l’infraction est visible depuis la voie publique, le maire peut exercer son contrôle sans pénétrer sur la propriété privée du contrevenant et peut constater les infractions commises sans requérir l’accord du contrevenant.

L’exercice de ce droit de visite a été réaménagé par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN). Le législateur a modifié les dispositions relatives au droit de visite pour rendre ce dispositif conforme aux exigences de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent ainsi être visités qu’en présence de l’occupant et avec son assentiment. 

En cas de difficulté, l’article L 461-3 du code de l’urbanisme prévoit des mesures spécifiques avec saisine du juge des libertés et de la détention. Ainsi, lorsque l’accès à un domicile ou à un local comprenant des parties à usage d’habitation est refusé, les visites peuvent être autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire compétent. Ce nouveau dispositif peut constituer un frein au constat d’infractions, le juge de la liberté et de la détention n’ordonnant pas automatiquement ce droit de visite, quand bien même il serait sollicité par le premier magistrat d’une collectivité locale.

Enfin, il faut rappeler que les constats d’infractions sont possibles pendant 6 ans après l’achèvement de la construction. Ensuite, la prescription joue son rôle.

Nathalie THIBAUD

Avocat spécialisé en droit de l’urbanisme

Démolition d’une construction pour trouble anormal de voisinage: le juge judiciaire y veille

Le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme (permis de construire, déclaration de travaux…) peut se croire définitivement à l’abri de tout recours une fois son autorisation purgée du fameux recours des tiers pesant sur ce type d’autorisation, qui peut aller jusqu’à la saisine du juge administratif.

Et bien non ! Il faut également compter avec le juge judiciaire dont les pouvoirs sont sans doute plus redoutables que ceux attribués au juge administratif, ce dernier ne pouvant qu’annuler une autorisation mais pas ordonner la démolition d’une construction.

Or, le juge judiciaire dispose de ce pouvoir d’ordonner la démolition d’une construction causant un trouble anormal de voisinage. La cour de cassation l’a rappelé récemment dans un arrêt du 22 octobre 2020 (Cass. 3ème civ. 22-10-2020 n°18-24.439 F-D).

La cour de cassation a été saisie dans ce dossier par les propriétaires d’une résidence secondaire aux fins de démolition d’une surélévation pratiquée sur une construction voisine dont les travaux avaient été autorisés par un permis de construire parfaitement valable. Le juge administratif les ayant débouté de leur recours contre le permis, ils ont alors saisi le juge judiciaire d’une action en trouble de voisinage pour perte d’ensoleillement.

La Haute juridiction a donné raison à ces propriétaires considérant que l’environnement était rural et qu’ils subissaient désormais une ombre portée à compter de 16h en plein été. Le fait que la résidence ne soit que secondaire a été écartée par la Cour.

La sanction peut dont être très lourde.

Ainsi, alors que l’on dispose d’un permis parfaitement légal autorisant l’édification d’une construction, les tiers (les voisins directs) peuvent faire valoir devant le juge judiciaire d’autres règles que les règles d’urbanisme, parmi lesquelles on trouve la théorie du trouble anormal de voisinage.

Cette théorie est issue de la jurisprudence des juridictions civiles. Elle s’appuie sur l’article 544 du Code civil qui dispose que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

La responsabilité du propriétaire d’une construction nouvelle peut être engagée par le voisin (tiers) devant la juridiction civile sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Il s’agit d’une responsabilité objective en ce sens qu’il suffit au voisin de prouver par tous moyens qu’il existe un trouble anormal, qu’il subit un préjudice et qu’il existe un lien de cause à effet ou lien de causalité entre le préjudice et la construction édifiée. L’existence du trouble s’apprécie indépendamment du problème de la régularité de la construction au regard des règles d’urbanisme.

Parmi ces troubles, on peut trouver la perte d’ensoleillement, d’une vue, mais aussi le bruit. Tous ces troubles doivent excéder les inconvénients normaux du voisinage pour pouvoir fonder une telle action judiciaire.

Le juge judiciaire apprécie souverainement le caractère anormal du trouble et son lien direct avec le préjudice. Celui-ci peut-être économique, esthétique ou même moral. La dépréciation du bien est souvent le préjudice retenu.

Il peut ordonner la démolition comme dans l’espèce susvisée, c’est-à-dire une réparation en nature, ou sinon par équivalent avec l’allocation de dommages et intérêts indemnisant le ou les préjudices subis. Il penche plus souvent pour cette solution, la démolition étant plus rare.

Pour apprécier l’anormalité du trouble, les tribunaux se fondent sur l’environnement et sur les constats qui auront pu être réalisés.

Enfin, la loi limite ce type d’action en responsabilité pour les dommages causés aux occupants d’un immeuble par des nuisances provenant d’activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques lorsque le permis de construire a été demandé postérieurement à l’existence de ces mêmes activités. Il s’agit du principe de préoccupation ou de la règle dite de l’antériorité. (art L 112-16 du code de la construction et de l’habitation)

Nathalie THIBAUD

Avocat spécialisé en droit de l’urbanisme

Coup de tonnerre dans le ciel Métropolitain : l’annulation du PLUi H de Toulouse Métropole et ses conséquences :

Le législateur depuis la loi n°2010-788du 12 juillet 2010 dite loi Grenelle II (loi portant engagement national pour l’environnement) a fortement incité les collectivités locales compétentes en matière de documents d’urbanisme à élaborer des Plans locaux d’urbanisme intercommunaux. La loi n°2014-366 du 24 mars 2014 dite loi ALUR (loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové) a renforcé cette incitation législative de manière à remplacer les documents d’urbanisme locaux (type POS ou PLU) existant sur les différentes communes de leur territoire par un document unique : le PLUi.

Le législateur a fait valoir la nécessité d’aborder les enjeux d’un territoire en matière de logements, d’économie, de mobilités etc…sur une échelle plus pertinente : celui d’une communauté de communes, d’une communauté d’agglomération ou encore celui d’une Métropole comme celle de Toulouse.

La Métropole Toulousaine ayant la compétence pour élaborer un PLUi a donc mis en œuvre ce document complexe à l’échelle des 37 communes membres qui la composent.

Par délibération en date du 09 avril 2015, le Conseil de la Métropole a prescrit l’élaboration du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal tenant lieu de Programme Local de l’Habitat (PLUi-H). Le conseil de la Métropole a arrêté son projet de PLUI-H selon délibération du 3 octobre 2017.

Une enquête publique a été arrêtée par le président de Toulouse Métropole du 30 mars 2018 au 17 mai 2018. Selon délibération en date du 11 avril 2019, le conseil de la Métropole a approuvé  le PLUi H.

41 requêtes ont été déposées contre cette délibération devant le tribunal administratif de Toulouse.

Le PLUi-H de Toulouse Métropole approuvé le 11 avril 2019 a été annulé par deux jugements du Tribunal Administratif de Toulouse du 30 mars et 20 mai 2021 : le jugement du 30 mars a annulé la délibération du 11 avril 2019 et celui du 20 mai s’est prononcé sur les effets de l’annulation dans le temps.

Les juges du tribunal administratif qui ont rendu ces décisions de manière collégiale, ont été soumis à une pression certaine mais ont jugé ce PLUi comme ils doivent le faire : c’est-à-dire sous l’angle de la seule légalité.

Il s’agit d’un véritable coup de tonnerre qui a rejailli au niveau national. Le PLUi H prévoyait de construire 7000 logements par an dont 35% de logements sociaux. Tous les promoteurs toulousains comptaient bien évidemment sur ce document d’urbanisme pour développer leurs projets.

De même les collectivités locales, en cours d’élaboration d’un PLUi, sont certainement depuis lors, très attentives au motif  qui a conduit à l’annulation de ce document.

La Métropole a relevé appel de ces jugements devant la cour administrative d’appel de Bordeaux et en a également sollicité leur sursis à exécution pour tenter d’obtenir la suspension de ces jugements.

Pourquoi ce document a-t-il été annulé en quelques mots ? : trop consommateur d’espaces naturels et agricoles :

Le PLUi H de Toulouse Métropole a été annulé en raison de l’insuffisance de son rapport de présentation. Le Point 16 du jugement du 30 mars 2021 précise :

« 16. Eu égard à l’ensemble de ces éléments, le rapport de présentation ne peut pas être regardé comme justifiant correctement du bien-fondé de l’extrapolation réalisée pour les cinq années précédant l’approbation du PLUIH ni, par conséquent, de la pertinence de l’analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers présentée pour la période de dix ans précédant cette approbation, laquelle repose sur des données significativement surévaluées par rapport à la réalité observée. Le document est donc effectivement entaché d’insuffisance, sur ce premier point, au regard des exigences issues de l’article L. 151-4 du code de l’urbanisme.

Pour résumer, le tribunal a considéré que le PLUi H était trop consommateur d’espaces naturels et agricoles. Or ces espaces depuis la loi Grenelle II et surtout la loi ALUR sont des espaces protégés dont la consommation doit être réduite drastiquement en vue d’ouverture éventuelle à l’urbanisation.

A la décharge de la Métropole, les textes relatifs à la planification urbaine n’ont cessé de rendre plus complexe l’élaboration des PLU ou PLUi en ajoutant dans les documents composant un PLU ou un PLUi notamment dans le rapport de présentation , des études, diagnostics, etc….

Le rapport doit ainsi présenter une analyse de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers sur les 10 années précédant la délibération arrêtant le projet de PLUi. C’est sur ce point précis que le tribunal a annulé le PLUi H de Toulouse Métropole.

Il doit également justifier les objectifs de modération de cette consommation et de lutte contre l’étalement urbain fixés par le PADD (projet d’aménagement et de développement durable) qui est un autre document constituant un PLUi.

Les effets de cette annulation :

Le principe lorsqu’un acte administratif est annulé, est celui d’une annulation rétroactive et d’une disparition de ce dernier de « l’ordonnancement juridique ». L’acte est censé n’avoir jamais existé.

Devant un tel effet, Toulouse Métropole a tenté d’obtenir du tribunal administratif une modulation des effets de cette annulation dans le temps en raison des inconvénients qualifiés d’excessifs attachés à l’annulation du PLUi H pour la Métropole notamment en matière de production de logements sociaux.

Le tribunal n’y a pas fait droit.

Ainsi, selon le jugement du 20 mai 2021 : « l’annulation du PLUIH de Toulouse Métropole aura pour conséquence de remettre en vigueur les 30 plans locaux d’urbanisme et 7 plans d’occupation des sols immédiatement antérieurs. Il n’en résultera donc pas une situation de vide juridique et, pour les 30 communes concernées, les plans locaux d’urbanisme pourront faire l’objet des procédures de révision ou de modification qui se révèleraient nécessaires dans l’attente de l’approbation d’un nouveau document intercommunal. Il est vrai qu’en application des dispositions de l’article L. 174-6 du code de l’urbanisme, les plans d’occupation des sols remis en vigueur dans les sept communes restantes ne demeureront applicables que pour une durée de deux ans, sans pouvoir faire l’objet d’évolutions, avant d’être remplacés par les règles nationales d’urbanisme si le nouveau PLUIH n’a pas pu être adopté dans l’intervalle. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces sept communes ne représentent que moins de 10 % de la superficie totale de la métropole et moins de 5 % de sa population. »

Aujourd’hui, les communes se retrouvent parfois avec des documents d’urbanisme « obsolètes » et plus précisément celles qui sont revenues à un POS (plan d’occupation des sols issu la loi SRU de 2000). De tels documents ne sont pas adaptés à des projets de logements ambitieux.

A titre d’exemple, une commune comme Saint Jean, relativement importante, se trouve « freinée » dans le développement de son territoire en revenant au POS. D’autres au contraire, qui souhaitaient un développement mesuré de leur territoire, comme la commune de BRAX, se trouvent « mise en danger » considérant que d’anciennes zones classées en zone agricole par le PLUi H, sont de nouveau ouvertes à l’urbanisation.

De plus, les POS demeureront en vigueur mais seulement pendant deux ans. Ensuite, si la cour administrative d’appel ne s’est pas prononcée dans ce délai, elles passeront au RNU (règlement national d’urbanisme).

Le retour RNU signifierait le gel des constructions : c’est le degré « zéro » de l’urbanisation, en ce sens qu’il ne favorise pas du tout la constructibilité. Il a vocation à s’appliquer dans les communes qui ne disposent d’aucun document d’urbanisme.

En effet le RNU impose une règle de constructibilité limitée. Il ne permet que les constructions dans « les parties actuellement urbanisées » de la commune au sens de l’article  L111-3 du code de l’urbanisme.

Pour les 30 communes qui sont revenues à leur PLU, la situation est sans doute moins impactante car elles ont la possibilité de mettre en œuvre « des procédures de révision ou de modification qui se révèleraient nécessaires dans l’attente de l’approbation d’un nouveau document intercommunal ».

Il est un fait certain : ces jugements ont un impact fort sur le développement de la Métropole.

Il y a derrière ces décisions des conséquences économiques non négligeables (la promotion immobilière notamment)

Les juges de la Cour administrative d’appel auront la lourde tâche d’infirmer ou confirmer les jugements de première instance

Nathalie THIBAUD

Avocat spécialisé en droit de l’urbanisme et droit public

Travaux en site patrimonial remarquable :

Le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables délimite un périmètre dans lequel la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur des immeubles présentent un intérêt public.

Ainsi la réalisation de travaux dans un tel site impose une autorisation préalable. Préfet de Région, Maire et architecte des bâtiments de France (ABF) interviennent dans le processus d’autorisation selon une procédure relativement complexe.

En effet, depuis la parution du décret n°2017-456 du 29 mars 2017, les demandes d’autorisation pour des travaux relatifs aux immeubles situés dans celui des sites patrimoniaux remarquables, doivent prendre en compte les nouvelles dispositions applicables issues de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, dite « LCAP ».

Cependant, selon l’autorisation  nécessaire pour les travaux, le régime applicable ne sera pas le même. Le décret distingue en effet :

  • Les travaux soumis à formalité, c’est-à-dire à l’obtention d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou encore l’absence d’opposition à déclaration préalable au titre du code de l’urbanisme et de l’article L 632-2 du code du patrimoine
  • Les travaux réalisés sur des immeubles soumis à autorisation préalable au titre de l’article L 632-1 du code du patrimoine.

1/ Le régime des travaux applicable aux immeubles compris dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable soumis à l’obtention d’un permis ou d’une déclaration préalable de travaux :

Dans ce cas de figure, c’est le maire qui donne l’autorisation mais l’architecte des bâtiments de France a un rôle primordial dans l’instruction d’un projet en site patrimonial remarquable. En cas de refus ou de désaccord avec l’ABF, un recours est possible auprès du Préfet de Région.

  • L’accord préalable de l’architecte des bâtiments de France à la délivrance du permis ou de la DP :

Lorsque l’autorisation porte sur des travaux soumis à l’obtention d’un permis ou d’une déclaration de travaux, elle doit être délivrée dans les conditions prévues à l’article L.632-2 du code du patrimoine.

Selon les dispositions de l’article L632-2 susvisé : « Le permis de construire, le permis de démolir, le permis d’aménager, l’absence d’opposition à déclaration préalable, ….tient lieu de l’autorisation prévue à l’article L. 632-1 du présent code si l’architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, il s’assure du respect de l’intérêt public attaché au patrimoine, à l’architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s’assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine.

En cas de silence de l’architecte des Bâtiments de France, cet accord est réputé donné. »

Toutes ces demandes d’autorisation de travaux sont déposées à la mairie (service urbanisme) de la commune compétente qui transmettra pour avis à l’ABF lors de l’instruction des projets.

Le délai d’instruction de droit commun est majoré d’un mois (art R 423-24 du code de l’urbanisme). Ainsi, cela porte les délais maximums d’instruction des dossiers de demande d’autorisation de travaux à 2 mois pour les déclarations préalables, 3 mois pour les permis de démolir et les permis de construire pour une maison individuelle  et 4 mois pour les autres permis de construire et les permis d’aménager.

Ainsi à titre d’exemple, l’ensemble des travaux visant à modifier l’aspect de la façade ou à réaliser sur une toiture est soumis au dépôt d’une déclaration préalable auprès du service des autorisations d’urbanisme. S’il s’agit d’une extension de plus de 20 m² ou encore d’une nouvelle construction, une demande de permis de construire devra être déposée.

  • En cas de désaccord entre l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme et l’ABF :

A défaut d’accord de l’ABF, la demande d’autorisation de travaux ne peut être accordée.
Un recours contre le refus de l’ABF peut être exercé l’autorité compétente chargée de délivrer l’autorisation de travaux.

Elle adresse son recours au préfet de région et le notifie à l’architecte des Bâtiments de France et au demandeur.

Le préfet de région statue dans un délai de deux mois après consultation de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture.

  • Recours du demandeur de l’autorisation d’urbanisme :

S’agissant du demandeur, il peut exercer un recours à l’occasion du refus d’autorisation de travaux. Ce recours doit être adressé au Préfet par lettre recommandée dans un délai de 2 mois à compter de la notification du refus.

Le préfet a alors deux mois pour statuer. En cas de silence, le préfet est réputé avoir confirmé la décision de la commune. En revanche s’il désavoue l’ABF, le maire devra dans le mois suivant la réception de la décision du préfet, statuer à nouveau sur la demande de permis.

Enfin, le demandeur peut également contester la légalité de l’avis de l’ABF devant le juge administratif dans le cadre d’un recours contentieux contre la décision refusant l’autorisation d’urbanisme.

2/ le régime des travaux soumis à autorisation préalable au titre de l’article L632-1 du code du patrimoine :

Selon les dispositions de l’article L 632-1 précité : « Dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l’état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis.

Sont également soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l’état des éléments d’architecture et de décoration, immeubles par nature ou effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, lorsque ces éléments, situés à l’extérieur ou à l’intérieur d’un immeuble, sont protégés par le plan de sauvegarde et de mise en valeur. Pendant la phase de mise à l’étude du plan de sauvegarde et de mise en valeur, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l’état des parties intérieures du bâti. »

Dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, sont donc soumis à cette autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier :

  • l’état des parties extérieures des immeubles bâtis;
  • l’état des immeubles non bâtis (cour ou jardin par exemple) ;
  • les éléments d’architecture et de décoration.

L’accord de l’ABF peut être assorti de prescriptions afin que le projet ne porte pas atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable.

Donc les travaux non soumis à formalité (cf 1) sont soumis à une procédure d’instruction particulière et dans cette hypothèse, c’est le Préfet qui donne l’autorisation.

La demande d’autorisation de travaux est adressée ou déposée à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés par le propriétaire du terrain, par un co-indivisaire ou leur mandataire ou une personne attestant être autorisée par eux à exécuter les travaux.

La demande d’autorisation précise la nature des travaux envisagés.

Le dossier joint à la demande d’autorisation est semblable à celui joint à une autorisation d’urbanisme classique type permis. Elle comprend :

– Une notice de présentation des travaux envisagés indiquant les matériaux utilisés et les modes d’exécution des travaux ;

– Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l’intérieur de la commune ;

– Un plan de masse faisant apparaître les constructions, les clôtures, la végétation et les éléments paysagers existants et projetés lorsque les travaux portent sur l’aménagement ou la modification du terrain ;

– Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l’environnement proche et dans le paysage lointain.

Le Maire conserve un exemplaire du dossier et transmet un exemplaire de la demande et du dossier à l’architecte des Bâtiments de France et un exemplaire au préfet.

Lorsque le dossier est complet, le silence gardé par le préfet pendant deux mois à compter du dépôt de la demande vaut autorisation en application de l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration.

Lorsque le dossier est incomplet, le préfet avise le demandeur, dans un délai d’un mois à compter de l’enregistrement de la demande, des pièces manquant à son dossier. Dans ce cas, le délai susvisé court à compter du dépôt de ces pièces. A défaut pour le demandeur de déposer ces pièces auprès du maire dans un délai de trois mois à compter de la réception de cet avis, la demande est réputée rejetée.

Quant à l’architecte des Bâtiments de France, il dispose d’un délai d’un mois à compter de sa saisine pour se prononcer. A défaut, il est réputé avoir donné son accord. S’il estime que le dossier est incomplet, il en avise le préfet, dans le délai de quinze jours à compter de sa saisine.

L’architecte des bâtiments de France adresse enfin un projet de décision au préfet et celui-ci  prend la décision d’autorisation ou de refus. La décision du préfet est notifiée au demandeur.

Enfin, comme toute autorisation, elle doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l’arrêté ou dès la date à laquelle l’autorisation est acquise et pendant toute la durée du chantier.

L’autorisation est périmée si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification de la décision ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue.

Pour conclure, il n’est pas toujours aisé pour le demandeur de l’autorisation de choisir entre la procédure de travaux soumis à formalité autorisée par le maire après accord de l’ABF et celle soumise à autorisation préalable du préfet après avis de l’ABF.

En effet, pour des travaux modifiant l’aspect extérieur, par exemple une façade, et donc l’état des parties extérieures d’un immeuble bâti au sens des articles L 632-2 ou L 632-1 du code du patrimoine, on peut légitimement hésiter entre l’une et l’autre procédure. Dans cette hypothèse, il convient de s’adresser aux services compétents (service de l’urbanisme de la mairie ou encore le Service de l’architecture et du patrimoine pour le Préfet) pour éviter une erreur d’aiguillage même si parfois ces services eux-mêmes ont des positions parfois contradictoires….

Nathalie THIBAUD

Avocat spécialisé en droit de l’urbanisme et droit public ( (article paru dans la revue UNPI 31 de janvier 2019)

Procédure d’expropriation : quel déroulement et comment se défendre ?

Cette procédure relève d’une prérogative de puissance publique détenue par l’État. Elle aboutit à déposséder de son bien immobilier une personne physique ou morale ou à lui faire renoncer à un droit réel immobilier dans un but d’utilité publique, moyennant une juste et préalable indemnité. Eclairage.

Auteur : Me Nathalie Thibaud, avocat spécialisé en droit de l’urbanisme et droit public

 

Aujourd’hui, les sources légales et réglementaires sont constituées par le Code de l’expropriation, créé en 1977 avec une législation qui a évolué assez régulièrement et qui continue à évoluer avec les réformes notamment de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010.

L’État est la cheville ouvrière de la procédure, mais les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont souvent bénéficiaires de l’expropriation. Ils en sont à l’initiative.

Le cadre juridique du droit de l’expropriation est strictement délimité par les dispositions du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Ainsi, une procédure d’expropriation qui ne respecte pas les prescriptions de ce code doit être regardée comme constitutive d’une atteinte illégitime au droit de propriété.

La procédure d’expropriation comprend une 1ère phase administrative préparatoire au cours de laquelle la personne publique (État, collectivités…) doit démontrer l’utilité publique de son projet, et une 2ème phase judiciaire servant à transférer la propriété à la personne publique et à indemniser l’exproprié.

  1. La phase administrative et les recours possibles

 

  • L’utilité publique de l’opération

Pour que la procédure d’expropriation soit mise en œuvre, il est nécessaire que l’opération projetée présente un caractère d’utilité publique. Si ce n’est pas le cas, la procédure pourra être jugée illégale dans son entier. En dehors des hypothèses où le législateur admet que certains buts poursuivis par l’Administration présentent un caractère d’utilité publique (suppression de l’habitat insalubre, risque technologique, risque de glissement de terrain, d’avalanches menaçant gravement des vies humaines…), c’est au juge qu’il revient de définir cette notion.

D’un point de vue contentieux, cet élément est important car la jurisprudence démontre parfois que l’utilité publique de l’expropriation est contestable.

L’absence d’utilité publique de l’opération est évidente en cas de détournement de pouvoir (dans un but d’intérêt privé : une procédure qui aurait pour but de faciliter l’accès à une propriété privée ou encore de permettre la création d’un centre hippique privé) et d’absence de nécessité de l’opération.

Elle est plus difficile à appréhender lorsque le juge utilise la théorie du bilan, au moyen de laquelle il va vérifier que les inconvénients engendrés par l’opération projetée n’excèdent pas les intérêts que celle-ci présente.

Avant de procéder au bilan coûts-avantages de l’opération, le juge doit vérifier que l’opération projetée correspond bien à un intérêt public, ce qui implique qu’il ne doit pas être entaché de détournement de pouvoir, et que l’expropriation est bien rendue nécessaire par la réalisation de cette opération.

En effet, comme l’avait déjà précisé le Conseil d’État dans un arrêt Consorts Zanatta du 5 mars 1997 : « Cette question est préalable et distincte de celle du caractère excessif, eu égard à l’intérêt que présente cette opération, des atteintes portées à la propriété privée, des inconvénients de l’opération ou de son coût financier » (CE, 5 mars 1997, n° 136687 : JurisData n° 1997-050346 ; Rec. CE 1997, p. 73 ; RD imm. 1997, p. 422, chron. C. Morel et M. Denis-Linton).

Dans un arrêt Commune de Levallois-Perret du 19 octobre 2012 (CE, 19 oct. 2012, n° 343070 : JurisData n° 2012-023337 ; Constr.-Urb. 2012, comm. 174, note Santoni ; JCP A 2012, act. 718, obs. Dubreuil), le Conseil d’État a clarifié la méthode de contrôle de la déclaration d’utilité publique.

Il rappelle que lorsqu’il est amené à se prononcer sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers, le juge contrôle successivement trois points :

  • que l’opération répond à une finalité d’intérêt général : un besoin d’intérêt général doit être réel, précis et permanent. Ainsi par exemple, la réalisation d’une résidence pour personnes âgées a été considéré comme vraiment satisfaisant un besoin d’intérêt général, donc l’utilité publique est avérée dans ce cas d’espèce (CE 5 avril 1991 n°106490). En revanche, la création d’aires de stationnement peut ne pas être justifiée par les nécessités de la circulation et du stationnement. Il a été considéré dans ce cas que l’utilité publique n’était pas existante (CE 11 mars 1981 n° 15352) ;
  • que l’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation: L’expropriation est-elle la seule solution possible ? Le recours à cette procédure ne peut être légitimé qu’à l’épuisement de toutes les autres solutions, comme l’acquisition amiable, le droit de préemption urbain, ou réserve foncière. L’expropriation ne peut être que le dernier recours. C’est très important ;
  • et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente : à titre d’exemples d’atteinte disproportionnée à une propriété privée, la création d’un espace vert dans une commune déjà dotée de beaucoup d’espaces verts, impliquant la destruction d’un jardin privé (CE 25 novembre 1988 n° 74232). En l’espèce, l’utilité publique est présente, mais entraîne énormément d’inconvénients pour un propriétaire au regard de l’opération projetée.

Si le bilan de tous ces points est positif, alors l’opération sera jugée d’utilité publique.

Il est rare que la mise en œuvre de cette méthode conduise le Conseil d’Etat à annuler une déclaration d’utilité publique relative à un grand projet d’aménagement mais ce fut le cas par exemple pour la construction d’une ligne ferroviaire à grande vitesse entre Poitiers et Limoges (CE 15-04-2016) ou encore pour la création d’un barrage.

  • La procédure proprement dite

Si une collectivité locale est à l’initiative d’une demande de DUP, la délibération du conseil municipal est transmise au préfet accompagnée d’un dossier composé d’une notice explicative ; du plan de situation ; du plan général des travaux ; des caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; de l’appréciation sommaire des dépenses ; de l’étude d’impact (non nécessaire pour des travaux d’aménagement mineurs) et de l’estimation sommaire des acquisitions à réaliser quand cela est nécessaire.

Une fois la transmission de ce dossier réalisée, le préfet prend un arrêté par lequel il ouvre l’enquête publique. Celle-ci est conduite par un commissaire-enquêteur désigné par le président du tribunal administratif.

Son ouverture est mentionnée dans l’un des journaux diffusés par le département et fait l’objet d’un affichage en mairie au moins 8 jours avant son démarrage. Elle indique les heures et le lieu où le public peut prendre connaissance du dossier et formuler des observations.

C’est à ce moment-là, que les administrés concernés auront la possibilité d’indiquer sur le registre prévu à cet effet leurs remarques et/ou doléances qui seront étudiés ensuite par le commissaire-enquêteur avant qu’il remette ses conclusions.

Après cette phase, au vu des résultats de l’enquête du commissaire-enquêteur, si l’intérêt public du projet est déclaré, le préfet pourra prononcer l’utilité publique en prenant un acte déclaratif d’utilité publique (DUP).

L’acte de Déclaration d’utilité public doit être affiché en mairie. Le jour de l’affichage sert de point de départ aux intéressés pour contester la DUP et engager un recours éventuel en annulation devant le tribunal administratif dans un délai de 2 mois. L’utilité publique de l’opération pourra être contestée à ce stade.

L’acte déclarant l’utilité publique (DUP) a pour but de déterminer, d’une part, les parcelles à exproprier et, d’autre part, l’identité des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés.

Lorsque la commune est en mesure, avant la déclaration d’utilité publique, de déterminer les parcelles à exproprier et de dresser le plan parcellaire et la liste des propriétaires, l’enquête parcellaire peut être faite, soit en même temps que l’enquête préalable, soit postérieurement.

La procédure d’enquête parcellaire est quasiment identique en tout point à la procédure d’enquête publique.

Une différence existe malgré tout entre les deux procédures, en effet, la commune notifie individuellement aux propriétaires (sous pli recommandé AR), le dépôt du dossier en mairie.

En cas de domicile inconnu, la notification est faite en double copie au maire qui en fait afficher une. La notification individuelle est une formalité substantielle, elle doit être respectée scrupuleusement sous peine de nullité de la procédure.

  1. La phase judiciaire : transfert de propriété, indemnité d’expropriation et paiement des indemnités

La deuxième partie, la phase judiciaire comporte plusieurs étapes importantes, qu’il s’agisse du transfert de propriété proprement dit et de la fixation des indemnités.

2.1 Le transfert de propriété

Le transfert de propriété peut se faire soit par le biais d’une cession amiable, soit par le biais d’une ordonnance d’expropriation.

  1. Les cessions amiables

Elles peuvent être :

– soit antérieures à la DUP : ces accords peuvent porter sur l’immeuble ou sur le prix ou sur les 2 à la fois. Ce sont des ventes ordinaires soumises aux règles du droit commun. De notre point de vue, il s’agit du meilleur cas de figure pour les propriétaires privés. En effet, les collectivités locales et même l’Etat tentent toujours de procéder par voie amiable avant de recourir à la procédure d’expropriation qui est lourde et peu rapide.

Dans cette phase, il est possible de négocier avec l’Etat ou la collectivité locale et c’est un prix de vente qui est fixé. Cela n’a rien à voir avec des indemnités d’expropriation.

– soit postérieures à la DUP mais antérieures à l’ordonnance d’expropriation (ces cessions ont tous les caractères attachés à l’ordonnance d’expropriation) ;

– soit postérieures au transfert de propriété par ordonnance (ces accords par lesquels les parties décident de fixer l’indemnisation, sans avoir recours au juge de l’expropriation, constituent un contrat de droit privé).

  1. b) Par ordonnance d’expropriation

Le dossier est transmis par le préfet au juge de l’expropriation (au Tribunal de Grande Instance) du département dans lequel sont situés les biens à exproprier.

L’ordonnance doit être prononcée par le juge dans un délai de 15 jours à compter de la réception du dossier.

Elle désigne chaque immeuble exproprié, précise l’identité des expropriés et indique le bénéficiaire de l’expropriation.

Elle ne peut être exécutée à l’encontre de chacun des intéressés que si elle lui a été préalablement notifiée par la commune.

Mais si l’absence de notification de l’ordonnance interdit l’envoi en possession, elle est sans influence, en revanche, sur le transfert de propriété.

L’ordonnance opère transfert de propriété à sa date. Elle doit donc être publiée au bureau des hypothèques.

Tous les droits réels existant sur les immeubles expropriés sont éteints par l’ordonnance d’expropriation et les inscriptions de privilèges ou d’hypothèques éteints, sont périmées à l’expiration d’un délai de 6 mois à compter du jour de la publication de l’ordonnance, d’expropriation devenue irrévocable.

De plus, tous les droits personnels (location, bail) existant sur les immeubles expropriés sont éteints par l’ordonnance d’expropriation.

L’ordonnance d’expropriation peut aussi être contestée devant le juge judiciaire par le biais d’un pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois à compter de la notification de l’ordonnance.

2.2 La fixation des Indemnités par le juge de l’expropriation

Contrairement au juge administratif qui a chevillé au corps la défense de l’intérêt public, le juge de l’expropriation est un juge judiciaire garant de la propriété privée.

A l’inverse de la vision qu’en ont souvent les justiciables, ce magistrat est soucieux de leurs intérêts. Il se déplace, et c’est rare, sur les lieux avant de se prononcer et ce en présence des parties et notamment des expropriés qu’il interroge. Il y a un véritable échange entre le juge et les parties.

Cette procédure peut intervenir à tout moment, même dès le début, à la condition que la collectivité locale connaisse exactement les biens à exproprier et la liste des propriétaires.

La recherche d’un accord amiable est en principe un préalable à l’ouverture de l’instance en fixation des indemnités. Ce n’est qu’à défaut d’accord amiable que le juge de l’expropriation est amené à fixer les indemnités dues aux propriétaires.

Ainsi à défaut d’accord dans le délai d’1 mois à partir de la notification des offres de la collectivité, le juge de l’expropriation peut être saisi, soit par la commune, soit par l’exproprié.

Le juge fixe, par ordonnance, la date du transport sur les lieux et de l’audition des parties. La visite des lieux doit être faite par le juge dans les 2 mois à compter de son ordonnance. Elle est faite en présence du juge, de son greffier, des parties et du commissaire du gouvernement.

Ensuite, soit l’audience a lieu immédiatement le jour du transport sur les lieux, soit le juge fixe une audience postérieure au dit transport. Dans tous les cas, le juge se prononce par un jugement motivé.

Il fixe :

  • une indemnité principale : la valeur vénale du bien exproprié et non la valeur du bien de remplacement ou du prix de revient de l’immeuble. La valeur vénale correspond au prix le plus probable auquel ce bien serait vendu dans des conditions normales.
  • et des indemnités accessoires :
    • indemnité de remploi : pour couvrir les dépenses que l’exproprié sera amené à exposer lors du rachat d’un bien. Il est fixé un pourcentage de la valeur vénale : de 10 à 20 %)
    • les autres indemnités accessoires : frais de déménagement…

Les indemnités doivent permettre à l’exproprié de se replacer en même et semblable état. Les expropriés doivent donc être indemnisés de l’entier préjudice subi (mais pas au-delà) à condition qu’il soit direct et certain. Si le préjudice est indirect, il n’est pas indemnisable (ex : la gêne occasionnée par la création d’une voie à grande circulation, les intérêts d’emprunt contracté pour l’achat du bien exproprié).

Un appel du jugement par les parties ou le commissaire du gouvernement est possible dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement.

2.3 Le paiement de l’indemnité et ses conséquences

Le principe du paiement ou de la consignation de l’indemnité préalablement à la prise de possession domine le droit de l’expropriation.

En effet, la prise de possession ne peut intervenir que si : l’ordonnance d’expropriation ou la cession amiable sont intervenues et l’ordonnance notifiée ; les indemnités sont payées ou consignées ; et si un délai d’un mois s’est écoulé entre le paiement (ou la consignation) et la prise de possession.

Le droit de délaissement

Une disposition particulière concerne le droit de délaissement.

Lorsqu’un an s’est écoulé depuis la publication de la DUP, les propriétaires des terrains à acquérir compris dans l’opération peuvent mettre en demeure le bénéficiaire de la DUP de procéder à l’acquisition de leurs terrains dans un délai de deux ans à compter du jour de leur demande.

A défaut d’accord amiable, le juge de l’expropriation, saisi par le propriétaire, prononce le transfert de propriété et fixe le prix du terrain comme en matière d’expropriation. L’acte ou la décision portant transfert éteint par lui-même, et à sa date, tous droits réels ou personnels existants sur l’immeuble cédé. Cette procédure rappelle celle applicable aux emplacements réservés, lorsque le propriétaire du terrain est habilité à mettre en demeure la collectivité publique d’acquérir la réserve foncière en vue d’y réaliser le projet envisagé en amont.

Ce qu’il faut retenir

Nonobstant la technicité complexe et propre au droit de l’expropriation, il n’en demeure pas moins que le justiciable a des droits qu’il doit préserver.

Il n’est pas la victime passive de l’expropriation décidée arbitrairement par la Commune.

Il peut contester le bienfondé de l’utilité publique de l’expropriation.

Il peut surtout se défendre pour assurer une pleine indemnisation de ladite expropriation, en combattant notamment les estimations et propositions des collectivités locales souvent  dérisoires, et finalement, attentatoires au droit de la propriété.

(article paru dans la revue 25 millions de Propriétaires: juillet/août 2018)

Servitudes d’utilité publique et droit de propriété :

Il s’agit de limitations administratives au droit de propriété, instituées par l’autorité publique. Ces limitations constituent des applications du principe de primauté de l’intérêt public sur les intérêts particuliers.

Ces servitudes constituent des charges portant sur des fonds déterminés. Elles sons instituées par des actes spécifiques en application de législations particulières, au profit de personnes publiques, de concessionnaires de services ou de travaux publics, de personnes privées exerçant une activité d’intérêt général.

Elles sont rarement indemnisées et si elles le sont, l’indemnisation a lieu dans des conditions strictes, particulièrement quant aux préjudices pris en compte.

 

Une pluralité de servitude d’utilité publique (SUP) :

Il existe différentes servitudes d’utilité publiques.

Elles existent de plein droit sur tous les immeubles concernés et peuvent aboutir :

  •  soit à certaines interdictions ou limitations à l’exercice par les propriétaires de leur droit de construire, et plus généralement le droit d’occuper ou d’utiliser le sol (alignement, site inscrit ou classé, plans de prévention des risques, etc…) : ce sont les servitudes d’urbanisme. Le code de l’urbanisme ne retient juridiquement que les servitudes affectant l’utilisation des sols, c’est-à-dire celles susceptibles d’avoir une incidence sur la constructibilité et plus largement sur l’occupation des sols.
  •  soit à supporter l’exécution de travaux ou l’installation de certains ouvrages , par exemple les servitudes créées pour l’établissement des lignes de transport d’énergie électrique (voirie, périmètre de protection de la qualité des eaux, etc… ;
  •  soit, plus rarement, à imposer certaines obligations de faire à la charge des propriétaires (travaux d’entretien ou de réparation).

 

Le cadre légal des SUP :

Les servitudes administratives ne peuvent être créées que par la loi, sauf accords sur les modalités d’établissement (par exemple les servitudes liées à l’occupation temporaire du domaine public).

Elles sont opposables à toute personne publique ou privée et ne s’éteignent pas par non-usage trentenaire. Les servitudes administratives ne sont donc éteintes que par leur abrogation, même si leur utilité a disparu.

La loi ALUR du 24 mars 2014 a assoupli la procédure de suppression des servitudes grevant les terrains pollués par l’exploitation d’une installation classée, lorsque cette servitude est devenue sans objet, de façon à ne pas bloquer de façon définitive la mutation des anciens sites ou sols pollués.

Diverses garanties pour les propriétaires concernés :

Diverses garanties sont prévues, spécialement le droit de délaissement.

Il s’agit d’une garantie efficace du droit de propriété qui s’analyse souvent en une expropriation dont le propriétaire prend l’initiative. En effet le droit de « délaissement » permet à ce propriétaire de contraindre le bénéficiaire de la servitude à acquérir le fonds grevé et ce moyennant indemnité.

Enfin, une servitude entraînant une dépossession excessive oblige l’Administration à exproprier l’assujetti.

Procédure pour établir ces SUP :

L’établissement des servitudes administratives se fait selon des procédures propres, respectant le droit à la participation et à l’information des assujettis, et comportant parfois enquête publique.

Ainsi les servitudes administratives suivent des règles de publicité propres, dont l’annexion au PLU, mais doivent parfois être déclarées, la publicité foncière ayant un rôle secondaire.

Les SUP s’imposent aux documents d’urbanisme et doivent être annexées au PLU. Cette annexion conditionne en effet leur opposabilité aux demandes d’autorisation d’occupation du sol. Ainsi à l’occasion du dépôt d’une demande de certificat d’urbanisme, toutes les servitudes administratives applicables doivent être mentionnées sur le certificat d’urbanisme.

L’indemnisation des servitudes :

Les solutions adoptées par le législateur vont du refus d’indemnisation à l’octroi d’une indemnité limitée ou quasi intégrale ; parfois même la loi est muette.

S’agissant de la réparation du préjudice subi par les propriétaires, le Conseil Constitutionnel a affirmé que « le principe d’égalité devant les charges publiques ne saurait permettre d’exclure du droit à réparation un élément quelconque du préjudice indemnisable » résultant des travaux ou ouvrages réalisés en vertu de l’institution d’une servitude administrative.

Ce n’est donc pas la servitude qui est indemnisable mais ce sont les conséquences qui peuvent en résulter. Il faut un préjudice direct, certain, grave et spécial (qui touche un administré). L’indemnité éventuelle ne constitue pas le prix de la servitude.

Certains textes excluent formellement toute possibilité de réparation (décret 58-1316 du 23-12-1958 relatif aux routes nationales et aux autoroutes).

D’autres textes prévoient expressément une indemnisation couvrant l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain résultant de l’institution de la servitude (ex : le code des transports pour les infrastructures de transport par câbles en milieu urbain).

Il est également parfois prévu l’obligation pour les collectivités publiques d’acquérir les terrains assujettis lorsque le propriétaire le demande : terrains classés en emplacement réservé par un PLU, terrain destiné au passage d’une route, d’une canalisation, terrains devenus impropres à la culture, terrains soumis au droit de préemption urbain, ou encore des terrains situés dans les ZAC (zone d’aménagement concerté).

Par contre, les servitudes d’urbanisme sont par principe non indemnisables. La loi édicte en effet un principe de non indemnisation des victimes de servitudes établies par application du code de l’urbanisme en matière de voirie, hygiène et d’esthétique « ou pour d’autres objets », et concernant notamment l’utilisation du sol, la hauteur des constructions, la densité constructible, les interdictions de construire ou les reculements, la répartition des immeubles entre diverses zones (art L105-1 al1er du code de l’urbanisme).

Autrement dit, toutes les règles d’urbanisme édictées par un document local d’urbanisme (PLU), sont en principe exclusives de tout droit à indemnisation, quel que soit le préjudice qu’elles peuvent causer.

Ce principe de non-indemnisation est tempéré. Les servitude d’urbanisme ouvrent droit à indemnité s’il en résulte pour le propriétaire une atteinte à des droits acquis ou une modification de l’état antérieur des lieux. (art L105-1 précité). Par exemple, l’institution d’une servitude empêchant de construire alors qu’un permis de construire vient d’être obtenu, peut ouvrir droit à une indemnité.

De même si le propriétaire subit une charge spéciale et exhorbitante hors de proportion avec le but d’intérêt public motivant l’instauration de la servitude, une indemnisation peut être accordée si le préjudice est direct, matériel et certain.

Il en va ainsi par exemple pour les nuisances sonores provoquées par une autoroute passant à 37 mètres de la propriété et la surplombant de 2 mètres (CE, 5 nov. 1982, n° 25192, Sté Autoroutes sud de la France : JurisData n° 1982-042013 ; Lebon T., p. 747).

En revanche, a été considérée comme ne revêtant pas « un caractère anormal » la privation partielle de vue sur l’océan, du fait de la modification du tracé d’un boulevard (CE, 2 mars 1966, Rabeux : Lebon, p. 155).

En matière d’aménagement routier, le principe est que « les dommages tels que la dépréciation de l’immeuble ou la perte de clientèle dues aux modifications des courants de circulation ne sont jamais indemnisés.

Les conséquences des modifications de la circulation générale ne sont jamais considérées comme anormales, quelle que soit leur gravité » (CE, 26 mai 1965, min. Transports c/ Épx Tebaldini : Lebon, p. 737).

Il est fait exception pour des requérants riverains qui se voient totalement privés de tout accès à la voie publique, et qui subissent dès lors un préjudice anormal (CE, 29 mai 1974, Reyboz : Lebon, p. 326, suppression de l’accès à une station-service, du fait du remplacement d’une route par une autoroute ; CE, 30 juin 1976, SARL Martinet frères : Lebon, p. 345, suppression d’accès à l’entrepôt que possédaient les requérants, du fait de la substitution d’une autoroute à la route nationale qui le desservait originellement ; CE, 16 oct. 1992, n° 95152, Sté Garage de Garches : JurisData n° 1992-047385 ; Lebon T., p. 1380, transformation d’une rue en voie piétonne qui supprime la clientèle d’un garage, en rendant ses locaux inaccessibles à la circulation automobile. La perte de son fonds de commerce constitue pour la société un préjudice anormal et spécial).

Nathalie THIBAUD

Avocat spécialisé en droit de l’urbanisme

 

Plan de sauvegarde et de mise en valeur : une politique urbaine transversale et cohérente :

Les plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) sont des documents d’urbanisme à l’instar des PLU (plan local d’urbanisme). Ils s’appliquent dans un secteur dit sauvegardé et ont pour but la protection de tout ou partie d’un ensemble d’immeubles bâtis ou non bâtis présentant un caractère historique, esthétique ou de nature à en justifier la conservation, la restauration ou la mise en valeur (art L313-1 du code de l’urbanisme).

D’ailleurs, les réformes inscrites depuis 2007 ont pour objet de rapprocher le plus possible le contenu du PSMV et celui du PLU. Plusieurs dispositions œuvrent en ce sens. Par ailleurs, depuis l’ordonnance de 2005, il a été précisé que la plupart des dispositions du PLU et du PADD (projet d’aménagement et de développement durable : document majeur d’un PLU) sont applicables au PSVM qui doit être compatible avec elles.

La mise en place de la politique de mise en valeur et de protection des quartiers anciens devient partie intégrante du projet urbain d’ensemble que la commune exprime dans le PADD.

Le PSMV permet une approche plus fine et détaillée. Il formule des règles sur l’implantation, les dimensions des constructions, l’architecture et doit être très précis sur les prescriptions liées à la protection du patrimoine, telles que les règles d’implantation, de prospect, de gabarit, de hauteur, l’utilisation des matériaux , les couleurs des crépis et enduits, la forme des ouvertures, la pente des toitures…

Par conséquent, ce plan a une valeur règlementaire, comme un PLU, qui sera opposable aux propriétaires concernés de biens immobiliers situés dans le secteur sauvegardé.

S’agissant de ces derniers, ils sont d’une certaine manière acteurs de ce plan qui suppose un inventaire préalable du patrimoine à sauvegarder. La collectivité locale mettant en œuvre ce plan est amenée à prendre attache avec les propriétaires pour affiner cet inventaire.

De plus, une concertation obligatoire doit être menée avec la population pendant la procédure du PSMV.

Enfin, les travaux effectués dans les secteurs sauvegardés et les périmètres de restauration immobilière permettent aux propriétaires des immeubles ayant obtenu une autorisation de travaux d’imputer les déficits fonciers sur leur revenu global. Si le revenu global n’est pas suffisant pour que l’imputation puisse être intégralement opérée, l’excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu des années suivantes jusqu’à la sixième année inclusivement (CGI, art. 156-1).

Il s’agit là d’un avantage fiscal important qui n’a pas manqué d’être utilisé par les opérateurs privés et d’engendrer certains excès, ce qui a conduit à des modifications successives renforçant les conditions pour en bénéficier remplies.

Ainsi, le régime ne concerne que les propriétaires bailleurs qui s’engagent à procéder à une restauration complète et à donner le bien en location pour une durée minimale de 9 ans (au lieu de 6 ans, avant la réforme de 2009). Aucun avantage fiscal spécifique au titre de la restauration immobilière n’est consenti aux propriétaires occupants.

 

Nathalie THIBAUD

Avocat spécialisé en droit de l’urbanisme

article publié sur le magazine UNPI 31 : www.unpi31.fr

 

question/réponse: Mon voisin agrandit sa maison selon un permis de construire affiché régulièrement sur son terrain. Toutefois, un des balcons en cours de construction me semble plus proche que prévu de notre limite de propriété. Comment puis-je intervenir pour faire régulariser la situation ?

Dans une telle hypothèse, il faut d’abord demander (par courrier ou mail) au service urbanisme de la Commune la copie de tout le dossier de permis de construire déposé par le pétitionnaire ainsi que le règlement du PLU applicable au projet. Il s’agit de documents publics que la commune doit obligatoirement communiquer sur simple demande de l’administré.

En effet, la règle d’implantation d’un bâtiment par rapport aux limites séparatives est fixée dans le règlement du PLU. Selon les documents d’urbanisme et les zones du PLU (U, A, N), cette règle peut différer. Parfois l’implantation en limite séparative est possible, parfois il faut respecter une distance.

Avec le dossier de permis comprenant tous les plans du projet, il est possible de vérifier, ou de faire vérifier par un professionnel, précisément à quelle distance de la limite le projet de construction a été autorisé.

Pour les balcons dits « en saillie » c’est-à-dire qui constituent une avance au-delà du « nu » des murs de la construction, la distance par rapport à la limite séparative s’apprécie par rapport au bâti (mur de la construction) et non par rapport à la saillie. Cela peut effectivement donner le sentiment d’une implantation du bâtiment plus proche de la limite sans pour autant être illégal.

Cependant, si après vérification des plans du permis au regard du règlement du PLU, vous constatez de la part du constructeur une erreur d’implantation lors de la réalisation de la construction, vous pouvez solliciter l’intervention immédiate du Maire.

En effet lorsqu’une construction est en cours de réalisation, le maire a compétence pour interrompre les travaux. Mais son intervention n’est possible que si la construction n’est pas conforme au projet autorisé par le permis et à condition que les travaux ne soient pas achevés.

L’article L. 480-2 du code de l’urbanisme délimite le champ d’application de l’Arrêté Interruptif de Travaux aux infractions faisant l’objet de l’article L. 480-4 du même code, à savoir exécuter des travaux sans permis ou en violation du permis.

Le maire dans ce cas peut faire interrompre les travaux, saisir éventuellement le matériel et n’autoriser leur reprise qu’à compter de leur régularisation. Il transmet également copie de son arrêté interruptif au Procureur de la République.

Enfin, un permis de construire est toujours délivré sous réserve du droit des tiers. Cela signifie que même si la construction est réalisée conformément au permis délivré et si le balcon en saillie vous porte préjudice du fait d’une trop grande proximité, il est possible de saisir le tribunal de grande instance d’une action dite en trouble anormal de voisinage. Il faut prouver un trouble (perte de vue, d’ensoleillement…) et un lien direct entre le préjudice subi et la construction édifiée. Le juge apprécie souverainement le caractère anormal du trouble. S’il reconnaît l’existence de ce trouble, il peut ordonner sa réparation en nature (démolition, construction d’un mur par exemple) mais plus souvent par équivalent c’est-à-dire des dommages et intérêts.

Nathalie THIBAUD

Avocat spécialisé en droit de l’urbanisme

article publié sur le magazine UNPI 31 : www.unpi31.fr

 

La loi ALUR : qu’en est-il des règles de subdivision dans les lotissements ?

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a été publiée le 26 mars 2014. Elle prévoit de nouvelles règles d’urbanisme modernisées et notamment sur l’assouplissement des règles de subdivision des lotissements.

En effet, la subdivision des lots obéissait, avant cette loi, à des règles de majorité de colotis assez drastiques qui tendaient à bloquer l’évolution d’un lotissement. Ainsi, lorsqu’un lotissement avait été autorisé, toute division à l’intérieur, dans les dix premières années, était soumise à une procédure particulière régie par l’article R. 442-21 du Code de l’urbanisme.

Cet article disposait : « Les subdivisions de lots provenant d’un lotissement soumis à permis d’aménager sont assimilées aux modifications de lotissements prévues aux articles L. 442-10 et L. 442-11 ». Cette procédure de modification nécessitait une approbation par l’autorité administrative compétente (le maire), après recueil de la majorité qualifiée des colotis définie par l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme : à savoir 2/3 des propriétaires représentant les ¾ de la superficie du lotissement ou ¾ des propriétaires représentant les 2/3 de la superficie. Pour celui qui souhaitait subdiviser son lot, cette majorité était parfois difficile à obtenir.

L’article L442-10 du code de l’urbanisme a été modifié par la loi ALUR. Les règles de vote précitées ont été assouplies. Désormais, le nouvel article dispose : « Lorsque la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d’un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie le demandent ou l’acceptent, l’autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s’il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé. Cette modification doit être compatible avec la réglementation d’urbanisme applicable. »   

Dans l’esprit de la loi ALUR et dans la logique initiée déjà par loi Grenelle II de l’environnement du 12 juillet 2010, il s’agit d’encourager la densification y compris dans les lotissements.

 

 

Nathalie THIBAUD

Avocat spécialisé en droit de l’urbanisme (barreau de Toulouse)

Demande de certificat d’urbanisme auprès d’une collectivité locale : qui peut le déposer, à quelle occasion, quels sont ses effets notamment en l’absence de réponse :

Demande de certificat d’urbanisme auprès d’une collectivité locale : qui peut le déposer, à quelle occasion, quels sont ses effets notamment en l’absence de réponse :

La principale fonction du certificat d’urbanisme est le renseignement : ce document informe le demandeur sur la situation de son terrain au regard des règles d’urbanisme applicables à celui-ci au jour de la signature dudit certificat. Il a pour but de conférer des droits acquis, en particulier des droits de construire, malgré les changements des règles d’urbanisme.

Il existe deux types de certificats : le certificat d’information générale qui se borne à indiquer le régime juridique auquel le terrain est soumis et le certificat pré-opérationnel qui précise en outre si un projet déterminé, mentionné dans la demande, peut être réalisé sur le terrain.

La procédure de délivrance des certificats d’urbanisme est régie par le Code de l’urbanisme (C. urb., art. R. 410-1 et s). La demande peut émaner du propriétaire mais aussi d’un tiers sans que ce dernier ait en justifier auprès dudit propriétaire. Elle est adressée au maire de la commune dans lequel le terrain est situé. S’il s’agit d’un CU de simple information, il doit être délivré sous un mois à compter de son dépôt (R410-9). Pour un CU pré-opérationnel, le délai d’instruction est de deux mois. (R410-10)

Dans l’hypothèse où ce délai ne serait pas respecté, le Code de l’urbanisme (art R. 410-12), dispose qu’à « défaut de notification d’un certificat d’urbanisme dans le délai fixé par les articles R. 410-9 (1 mois) et R. 410-10 (2 mois), le silence gardé par l’autorité compétente vaut délivrance d’un certificat d’urbanisme tacite. Celui-ci a exclusivement les effets prévus par le quatrième alinéa de l’article L. 410-1, y compris si la demande portait sur les éléments mentionnés au b de cet article. »

Les effets prévus par cet article sont essentiels : ils entraînent, qu’ils soient certificats d’information ou certificats opérationnels, la « cristallisation » des règles d’urbanisme pendant le délai de validité du CU, soit 18 mois.

Le certificat d’urbanisme ne confère par lui-même aucune autorisation particulière. Il est toujours « sous réserve du droit des tiers ».

La cristallisation signifie que les règles d’urbanisme intervenues postérieurement à la délivrance d’un certificat en cours de validité ne sont donc pas opposables au constructeur. C’est le cas par exemple d’un classement en espace boisé protégé.

En cas d’absence de réponse de l’administration à une demande de CU, nait donc un certificat d’urbanisme tacite qui a des effets qui allègent les responsabilités de l’Administration. Ainsi, la portée du certificat d’urbanisme tacite est toujours la même, quelle que soit la demande dont est saisie l’Administration : il a les seuls effets de garantie du droit applicable (cristallisation). Il suffira pour en bénéficier de déposer la demande de permis de construire dans le délai de dix-huit mois à compter de la naissance de ce certificat tacite, à condition bien sûr que le pétitionnaire puisse en cas de contestation établir qu’il a bien déposé une demande de certificat auprès de l’Administration.

Pour le CU pré-opérationnel auquel l’administration a répondu positivement, il a les mêmes effets qu’un CU d’information : renseignements sur la constructibilité du terrain mais il comporte en outre une sorte de pré-accord de l’administration sur la réalisation de l’opération.

Néanmoins, un certificat contenant des lacunes, des mentions illégales ou erronées ne confère pas de droits acquis selon la jurisprudence du Conseil d’Etat. S’il est illégal, il peut donner lieu à retrait voire à indemnité en cas d’action contentieuse engageant la responsabilité de la collectivité locale. En effet, cette responsabilité peut être considérable dès lors que c’est notamment au vu d’un CU positif que se concluent beaucoup de transactions immobilières. Si le certificat est erroné ou incomplet, cela engage la responsabilité de l’autorité qui l’a délivré aussi bien s’il énonce à tort que le terrain est constructible que l’inverse. Mais il faut préciser que la responsabilité administrative ne peut conduire à indemnisation que s’il existe un préjudice. Ainsi, à titre d’exemple, le juge administratif ne conclura pas à l’existence d’un préjudice sir le terrain est finalement revendu avec une plus-value.

Enfin, qu’il soit positif ou négatif, une CU pré-opérationnel peut faire l’objet d’un recours en annulation dans le délai de 2 mois de sa notification. La possibilité d’un recours contre un certificat d’information est discutée. Elle a parfois été admise.

 

 

Nathalie THIBAUD

Avocat spécialisé en droit de l’urbanisme (barreau de Toulouse)