Travaux en site patrimonial remarquable :

Le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables délimite un périmètre dans lequel la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur des immeubles présentent un intérêt public.

Ainsi la réalisation de travaux dans un tel site impose une autorisation préalable. Préfet de Région, Maire et architecte des bâtiments de France (ABF) interviennent dans le processus d’autorisation selon une procédure relativement complexe.

En effet, depuis la parution du décret n°2017-456 du 29 mars 2017, les demandes d’autorisation pour des travaux relatifs aux immeubles situés dans celui des sites patrimoniaux remarquables, doivent prendre en compte les nouvelles dispositions applicables issues de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, dite « LCAP ».

Cependant, selon l’autorisation  nécessaire pour les travaux, le régime applicable ne sera pas le même. Le décret distingue en effet :

  • Les travaux soumis à formalité, c’est-à-dire à l’obtention d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou encore l’absence d’opposition à déclaration préalable au titre du code de l’urbanisme et de l’article L 632-2 du code du patrimoine
  • Les travaux réalisés sur des immeubles soumis à autorisation préalable au titre de l’article L 632-1 du code du patrimoine.

1/ Le régime des travaux applicable aux immeubles compris dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable soumis à l’obtention d’un permis ou d’une déclaration préalable de travaux :

Dans ce cas de figure, c’est le maire qui donne l’autorisation mais l’architecte des bâtiments de France a un rôle primordial dans l’instruction d’un projet en site patrimonial remarquable. En cas de refus ou de désaccord avec l’ABF, un recours est possible auprès du Préfet de Région.

  • L’accord préalable de l’architecte des bâtiments de France à la délivrance du permis ou de la DP :

Lorsque l’autorisation porte sur des travaux soumis à l’obtention d’un permis ou d’une déclaration de travaux, elle doit être délivrée dans les conditions prévues à l’article L.632-2 du code du patrimoine.

Selon les dispositions de l’article L632-2 susvisé : « Le permis de construire, le permis de démolir, le permis d’aménager, l’absence d’opposition à déclaration préalable, ….tient lieu de l’autorisation prévue à l’article L. 632-1 du présent code si l’architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, il s’assure du respect de l’intérêt public attaché au patrimoine, à l’architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s’assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine.

En cas de silence de l’architecte des Bâtiments de France, cet accord est réputé donné. »

Toutes ces demandes d’autorisation de travaux sont déposées à la mairie (service urbanisme) de la commune compétente qui transmettra pour avis à l’ABF lors de l’instruction des projets.

Le délai d’instruction de droit commun est majoré d’un mois (art R 423-24 du code de l’urbanisme). Ainsi, cela porte les délais maximums d’instruction des dossiers de demande d’autorisation de travaux à 2 mois pour les déclarations préalables, 3 mois pour les permis de démolir et les permis de construire pour une maison individuelle  et 4 mois pour les autres permis de construire et les permis d’aménager.

Ainsi à titre d’exemple, l’ensemble des travaux visant à modifier l’aspect de la façade ou à réaliser sur une toiture est soumis au dépôt d’une déclaration préalable auprès du service des autorisations d’urbanisme. S’il s’agit d’une extension de plus de 20 m² ou encore d’une nouvelle construction, une demande de permis de construire devra être déposée.

  • En cas de désaccord entre l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme et l’ABF :

A défaut d’accord de l’ABF, la demande d’autorisation de travaux ne peut être accordée.
Un recours contre le refus de l’ABF peut être exercé l’autorité compétente chargée de délivrer l’autorisation de travaux.

Elle adresse son recours au préfet de région et le notifie à l’architecte des Bâtiments de France et au demandeur.

Le préfet de région statue dans un délai de deux mois après consultation de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture.

  • Recours du demandeur de l’autorisation d’urbanisme :

S’agissant du demandeur, il peut exercer un recours à l’occasion du refus d’autorisation de travaux. Ce recours doit être adressé au Préfet par lettre recommandée dans un délai de 2 mois à compter de la notification du refus.

Le préfet a alors deux mois pour statuer. En cas de silence, le préfet est réputé avoir confirmé la décision de la commune. En revanche s’il désavoue l’ABF, le maire devra dans le mois suivant la réception de la décision du préfet, statuer à nouveau sur la demande de permis.

Enfin, le demandeur peut également contester la légalité de l’avis de l’ABF devant le juge administratif dans le cadre d’un recours contentieux contre la décision refusant l’autorisation d’urbanisme.

2/ le régime des travaux soumis à autorisation préalable au titre de l’article L632-1 du code du patrimoine :

Selon les dispositions de l’article L 632-1 précité : « Dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l’état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis.

Sont également soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l’état des éléments d’architecture et de décoration, immeubles par nature ou effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, lorsque ces éléments, situés à l’extérieur ou à l’intérieur d’un immeuble, sont protégés par le plan de sauvegarde et de mise en valeur. Pendant la phase de mise à l’étude du plan de sauvegarde et de mise en valeur, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l’état des parties intérieures du bâti. »

Dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, sont donc soumis à cette autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier :

  • l’état des parties extérieures des immeubles bâtis;
  • l’état des immeubles non bâtis (cour ou jardin par exemple) ;
  • les éléments d’architecture et de décoration.

L’accord de l’ABF peut être assorti de prescriptions afin que le projet ne porte pas atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable.

Donc les travaux non soumis à formalité (cf 1) sont soumis à une procédure d’instruction particulière et dans cette hypothèse, c’est le Préfet qui donne l’autorisation.

La demande d’autorisation de travaux est adressée ou déposée à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés par le propriétaire du terrain, par un co-indivisaire ou leur mandataire ou une personne attestant être autorisée par eux à exécuter les travaux.

La demande d’autorisation précise la nature des travaux envisagés.

Le dossier joint à la demande d’autorisation est semblable à celui joint à une autorisation d’urbanisme classique type permis. Elle comprend :

– Une notice de présentation des travaux envisagés indiquant les matériaux utilisés et les modes d’exécution des travaux ;

– Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l’intérieur de la commune ;

– Un plan de masse faisant apparaître les constructions, les clôtures, la végétation et les éléments paysagers existants et projetés lorsque les travaux portent sur l’aménagement ou la modification du terrain ;

– Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l’environnement proche et dans le paysage lointain.

Le Maire conserve un exemplaire du dossier et transmet un exemplaire de la demande et du dossier à l’architecte des Bâtiments de France et un exemplaire au préfet.

Lorsque le dossier est complet, le silence gardé par le préfet pendant deux mois à compter du dépôt de la demande vaut autorisation en application de l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration.

Lorsque le dossier est incomplet, le préfet avise le demandeur, dans un délai d’un mois à compter de l’enregistrement de la demande, des pièces manquant à son dossier. Dans ce cas, le délai susvisé court à compter du dépôt de ces pièces. A défaut pour le demandeur de déposer ces pièces auprès du maire dans un délai de trois mois à compter de la réception de cet avis, la demande est réputée rejetée.

Quant à l’architecte des Bâtiments de France, il dispose d’un délai d’un mois à compter de sa saisine pour se prononcer. A défaut, il est réputé avoir donné son accord. S’il estime que le dossier est incomplet, il en avise le préfet, dans le délai de quinze jours à compter de sa saisine.

L’architecte des bâtiments de France adresse enfin un projet de décision au préfet et celui-ci  prend la décision d’autorisation ou de refus. La décision du préfet est notifiée au demandeur.

Enfin, comme toute autorisation, elle doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l’arrêté ou dès la date à laquelle l’autorisation est acquise et pendant toute la durée du chantier.

L’autorisation est périmée si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification de la décision ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue.

Pour conclure, il n’est pas toujours aisé pour le demandeur de l’autorisation de choisir entre la procédure de travaux soumis à formalité autorisée par le maire après accord de l’ABF et celle soumise à autorisation préalable du préfet après avis de l’ABF.

En effet, pour des travaux modifiant l’aspect extérieur, par exemple une façade, et donc l’état des parties extérieures d’un immeuble bâti au sens des articles L 632-2 ou L 632-1 du code du patrimoine, on peut légitimement hésiter entre l’une et l’autre procédure. Dans cette hypothèse, il convient de s’adresser aux services compétents (service de l’urbanisme de la mairie ou encore le Service de l’architecture et du patrimoine pour le Préfet) pour éviter une erreur d’aiguillage même si parfois ces services eux-mêmes ont des positions parfois contradictoires….

Nathalie THIBAUD

Avocat spécialisé en droit de l’urbanisme et droit public ( (article paru dans la revue UNPI 31 de janvier 2019)

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